lundi 25 février 2008

18. Le premier mot


Le premier mot sera : lavande. Et le dernier aussi. Parlant de mon passé, je dirai : Mon pauvre passé.
Comme disent les gens du Midi quand ils évoquent leurs morts. Parce que pauvre veut dire mort et qu'ils n'ont pas peur de la mort. Mais la mort pour moi est encore une amie à qui j'emprunte souvent sa faux pour faire mes récoltes. Une faux poisseuse d'huile de lavande qui s'aiguise toute seule et qui reste bien en main.
Les gens du Midi n'aiment pas non plus le mot faux. Ils disent le volant. J'ai maintenant le dos souple comme tous les lavandiaières et je crains le brouillard, car il boit l'huile des lavandes. La nèblo béou l'ôli.
Oui, je le crains.
Je me lève tard comme tous les lavandiaières, parce que l'on cueille sous le soleil très chaud. Le bourras sur l'épaule me va bien.
Je suis servant à la messe de la lavande. La première messe de la lavande se dit à 8h03 minutes. La grand-messe est célébrée pendant l'heure de table. Il n'y a pas de sieste. Les vêpres de la lavande sonnent à 17h15, au plus tard.
La lavande est signe de feu. Elle passe sa vie à tendre vers le soleil qui cherche à la boire. Mais pour me suivre dans cette aventure, Madame, le mieux serait que vous enleviez vos souliers. Que pied nus, vous vous laissiez imprégner par la fraîcheur des tommettes de votre mas et que vous gardiez ce livre à la main.