mardi 4 mars 2008

26. Postface.


Cette Célébration, publiée pour la première fois aux Editions Robert Morel, portait le numéro 38 de la Collection.
L'édition originale avait été limitée à 5.000 exemplaires dont le premier mille avait été mis hors commerce pour l'auteur, l'éditeur et leurs amis.



ISBN: 978-2-9528650-4-3
EAN : 9782952865043


25. Us et coutumes, suite et fin.


Et le baron Frédéric de Gingins Lassaraz ajoute : Les eaux aromatiques ne se conservent pas longtemps, même dans des vases remplis et bien bouchés. Il faut, pour en rendre la conservation plus facile, les tenir dans des vases opaques en lieu frais et peu accessible à la lumière. Une fois entamés, ces vases ne peuvent plus être fermés avec des bouchons mais avec du papier ou du parchemin.
Les anciens usaient de propriétés antiseptiques des essences. L'examen des momies prouve que les Egyptiens les connaissaient fort bien. Dans l'embaumement des cadavres, l'essence de lavande trouve un emploi de plus en plus important. Mais les grandes applications se font en Amérique où ce procédé a pris une extension extraordinaire. L'économie est considérable puisque trois litres seulement, convenablement injectés, assurent une entière conservation des cadavres, alors que les procédés anciens couûtaient trois mille francs et davantage et donnaient une proportion très grande d'insuccès.

24. Us et coutumes


Le baron Frédéric de Gingins Lassaraz, avec son humour habituel, note : L'usage domestique de la lavande est très répandu, principalement dans les classes élevées de la société, où on en fait un emploi journalier dans les ablutions de la toilette. C'est aussi un remède agréable et toujours disponible contre les vapeurs, les migraines et tant d'autres petits maux auxquels les personnes bien élevées sont si sujettes.
Les femmes arabes se servent d'une poudre odorante composée de lavande et de basilic pour parfumer leurs cheveux, pour les fortifier et les faire croître. Elles se servent aussi de vinaigre de lavande pour aviver les coloris de leur visage. Et les Européennes n'ont pas négligé, dit-on, ce fard plus naturel et plus innocent que bien d'autres.
On fait avec les fleurs de lavande de jolis sachets odorants pour parfumer le linge et éloigner les teignes et autres insectes des étoffes et des armoires où on les enferme. On les mêle aussi avec d'autres fleurs dans des pots-pourris, qui répandent dans nos appartements l'odeur la plus agréable !
L'usage de l'eau de lavande dans les ablutions journalières n'est pas simplement de propreté ou d'agrément, on peut aussi le considérer comme un cosmétique innocent, très utile pour entretenir le ton et la fraîcheur de la peau.


23. Recettes, suite et fin.


ESPRITS PARFUMÉS
Les esprits parfumés ou alcools aromatisés simples se préparent en faisant infuser dans l'alcool pendant 24 à 36 heures les substances choisies et en ajoutant moitié autant d'eau qu'il y a d'alcool.
On lute les vases et l'on retire 1 à 2% près de bon produit. On rectifie ensuite avec moitié d'eau, on en retire 3 à 4% près et enfin on distille les flegmes et les résidus pour en extraire l'alcool.

ESPRIT DE LAVANDE
Alcool à 85°C : 26 litres.
Lavande en fleurs sèches : 3 kg 125 gr.
On obtient 50 litres chargés de 125 grammes chaque.

HUILE A LA LAVANDE
On met seulement huit grammes d'essence de lavande par demi-kilo d'huile. On laisse reposer pour l'avoir plus claire et si on en a besoin sur le champ, on clarifie au papier gris.
L'huile parfumée à l'essence peut être donnée à bon marché. Elle est à cet égard favorable au commerce de la pacotille et de la province.
Dans les huiles diverses pour la conservation et la pousse des cheveux l'huile de lavande entre souvent pour deux grammes.
Dans l'huile d'herbes suisses, elle entre pour cinq grammes.
Dans la pommade au pot-pourri, elle entre pour quelques gouttes.
Pour deux grammes dans la pommade de mille fleurs.

22. Recettes


EAU DE LAVANDE
Sommités fraîches de lavande : 10 kilos.
Eau : 40 litres.
Sel : 250 grammes.
On fait macérer dans l'eau, puis on introduit dans la cucurbite et on retire vingt litres.

INFUSION DE LAVANDE
... appelée improprement eau et eau-de-vie de lavande : On prend cinq cents grammes de cette fleur égrenée et on les met dans une cruche avec un litre et demi d'eau-de-vie. On bouche bien la cruche et on la met au soleil pendant un mois ou six semaines. Après quoi, on tire au clair pour mettre dans des bouteilles.
On peut faire de l'eau-de-vie de lavande rouge aromatique en joignant à l'eau-de-vie ou à la lavande de la sauge, de l'hysope, de la véronique, de la rose de Provins, de la mélisse, de l'armoise, de l'aigre-moine, de l'absinthe, du fenouil, du baume. On agit d'ailleurs comme il vient d'être expliqué.
Conserver les esprits parfumés dans un lieu frais et dans des vases bien bouchés, parce qu'ils s'améliorent en vieillissant.


mardi 26 février 2008

21. Avec le crépuscule


Avec le crépuscule, j'entre dans mon nouveau domaine. Le mas est clos sur soi. Avec sa maison de berger, avec son pigeonnier, le four à pain et deux grands portails, aux soleils levant et couchant.
Le mas est gris-montagne ou doré. Les gorges et les tuiles du toit reposent bien sur les soliveaux de mélèze. Les ancoules lui donnent des airs de cathédrale. Les caves sont voûtées, le vin est âpre et les bonbonnes d'huile essentielles sont à côté.
Le mas s'accroche à la montagne à deux pas de Ganagobie, et les lavandes viennent battre son pied. Tout près il y a Peipin et son château démantelé à la Révolution. Il y a la Durance. Mais c'est l'eau fraîche du Jabron et sa vapeur qui serpentent dans les serpentins des alambics.
Après la récolte, j'irai m'appuyer contre cette pierre à graver dont je vous parlais tout à l'heure. C'est la pierre du rocher de l'Aigle. Elle surplombe les derniers chênes de sept hauteurs de peuplier, et l'on dit que son pied repose au fond d'un lac.
Je me servirai d'elle comme d'une table de lavande. J'y inscrirai ses lois et commandements. Et comme elle est intransportable, il faudra venir à elle. Chaque mille ans, pour commémorer cette célébration, les nouveaux Moïse frapperont la pierre avec un plant de deux ans. Un jour franc, l'huile essentielle coulera comme l'eau des sources. Et chaque fois un miracle différent sera fait. Car la lavande est éternelle.

Fin
Nouvelle édition


20. La lavande a des

La lavande a des réactions brutales : elle explose avec l'iode et développe des vapeurs jaunes. Elle trouble la benzine mais elle est de bonne composition : C30 H28 O4 n'est-ce pas la plus belle chose qui soit ?
Et puis la lavande est généreuse. L'Anglais Atkinson a calculé que pour 100 kilogrammes de plantes la lavande donnait environ 2 kilogrammes d'essence, tandis que la rose ne donnait que 6 grammes et la violette 5.
Cela dit, je me demande si le nez de l'expert a encore un rôle à jouer. Le nez électronique, comme l'oeil, remplace celui du poète. Question grave que l'on se pose lorsqu'on va vers les lavandes.
Ainsi, pour poser à loisir toutes ces questions, je suis allé voir mon ami le notaire. Sa plume grinçait mais il notait, lui notaire : Pierre Ecrite. Lavande. Un mas. Le ciel beau. Le soleil. Des sources.
Nous sommes partis. Nous avons quitté la voiture. Nous sommes allés jusqu'au parvis d'une chapelle ruinée mais très belle encore, dédiée à Claude que l'on fête le 6 juin, face à la montagne de Lure. La neige était encore à la cime. Et à nos pieds s'ouvrait la vallée de Saint-Martin, jusqu'au Couvent.
Mon ami le notaire notait du doigt les lieux-dits : Trévaous. La Médecine. La Gentille. Les Terres Noires. Champfeu. Il notait, soulignait, montrait et disait : Voilà. La lavande ici est chez elle. Il se baissait, prenait les fleurs bleues, les frottait dans ses paumes, et l'air autour de nous était plus bleu. L'affaire fut signée le soir même, et dûment paraphée, relue et approuvée, tamponnée.

19. Car la lavande

Car la lavande n'est pas à prendre avec des pincettes. Il faut l'aborder selon un certain rite. Et, quoi que vous fassiez, elle restera sauvage jusque dans ses esprits. La lavande ne s'apprivoise pas. Tâchez de ne pas oublier, non plus, que son essence tue le microbe de la fièvre typhoïde en moins de trente-cinq minutes. Alors qu'il en faut quatre-vingts pour le patchouli et deux cent quarante pour l'absinthe.
La lavande est un laboratoire. Elle aime les cucurbites, les chapiteaux et les serpentins. Les balances, les trébuchets, les burettes, les ballons, les tubes, les éprouvettes, lampes, casseroles, râpes plates, queues de rat, flacons, crayons, plumes, vis, palans, appareils, cols-de-cygne, cylindres, becs, chaudières, feux nus, générateurs, diaphragmes, trépieds, nécessaires et alambics.
La lavande est un laboratoire sur lequel les chimistes de naguère se penchaient, inquiets.
Dans le Dictionnaire des parfums, ils disent : La lavande bout entre 185° et 188°. D'après le Laboratoire des merveilles chimiques, la lavande anglaise bout à 246°. Et la lavande française à 82°. Gattefossé et La Motte affirment : Son point d'ébullition varie entre 165° pour les têtes, à 220° pour les alcools, et 230° pour les éthers. Peu importe quand. La lavande bout. C'est tout. Ces fluctuations n'inquiètent plus les savants d'aujourd'hui. Ils savent parfaitement où, quand, comment, pourquoi s'élabore l'huile essentielle. Et cela leur fait une belle jambe.

lundi 25 février 2008

18. Le premier mot


Le premier mot sera : lavande. Et le dernier aussi. Parlant de mon passé, je dirai : Mon pauvre passé.
Comme disent les gens du Midi quand ils évoquent leurs morts. Parce que pauvre veut dire mort et qu'ils n'ont pas peur de la mort. Mais la mort pour moi est encore une amie à qui j'emprunte souvent sa faux pour faire mes récoltes. Une faux poisseuse d'huile de lavande qui s'aiguise toute seule et qui reste bien en main.
Les gens du Midi n'aiment pas non plus le mot faux. Ils disent le volant. J'ai maintenant le dos souple comme tous les lavandiaières et je crains le brouillard, car il boit l'huile des lavandes. La nèblo béou l'ôli.
Oui, je le crains.
Je me lève tard comme tous les lavandiaières, parce que l'on cueille sous le soleil très chaud. Le bourras sur l'épaule me va bien.
Je suis servant à la messe de la lavande. La première messe de la lavande se dit à 8h03 minutes. La grand-messe est célébrée pendant l'heure de table. Il n'y a pas de sieste. Les vêpres de la lavande sonnent à 17h15, au plus tard.
La lavande est signe de feu. Elle passe sa vie à tendre vers le soleil qui cherche à la boire. Mais pour me suivre dans cette aventure, Madame, le mieux serait que vous enleviez vos souliers. Que pied nus, vous vous laissiez imprégner par la fraîcheur des tommettes de votre mas et que vous gardiez ce livre à la main.

17. Réflexion faite


Réflexion faite, puisqu'il s'agit de roses, je vous demanderai de vous reporter au recueil de ses lettres dans votre Budé habituel. Car je préfère vous dire que la lavande est éternelle. Comme Phoenix.
Et ils sont seuls capable de renaître de leurs cendres.
Pourtant, des philosophes, des grammairiens, des médecins et quelques pédants ont dit :
La lavande vit sept ans.
D'autres ont prétendu : La lavande vit douze ans.
Non, dix.
Non, quinze.
Moi, je dis : La lavande est éternelle.
L'incendie ou la coupe des plantes au ras du sol, tous les deux ou trois ans, assurent à la lavande la perpétuité de l'existence. Elle sait être héroïque. La lavande est éternelle. Je le sais bien moi qui suis né si tard à la lavande.
Comme le Christ entré à Jérusalem, j'ai fait des palmes de lavande et fouetté mes mollets. Aux effluves des fleurs bleues, les ânes marchent bien. Et celui qui n'a jamais enflammé cet autel d'herbes sèches et chaudes, humides aussi, et d'un autre parfum suivant l'ubac ou l'adret, ne sait pas ce qu'est la lavande.
Incendie régénérateur des baiassières.
Incendie des alambics.
Brémont opine : Le meilleur feu pour l'essence est le feu de paille des lavandes distillées.
Avec Phoenix sur mon épaule, u jour prochain, je partirai loin de tout, planter ma lavande. Je sèmerai le feu et la naissance. Je marcherai dans les collines de Provence jusqu'à n'en plus pouvoir. Je délimiterai brindille à brindille,plant à plant, mon domaine et je ferai graver une autre Pierre Ecrite.
J'irai avec mes domestiques et mes femmes de l'autre côté de l'autoroute de l'Estérel, avec ma famille et mes voitures, mes chiens, mes meubles. Sans livre. J'irai planter mes lavandes sous le ciel le plus pur. Et sur cette autre Pierre Ecrite vous lirez aisément.


16. Les bergers

Les bergers de Provence distillent la lavande. Ils savent et travaillent en plein air. Pendant les deux mois les plus chauds, l'atmosphère est saturée, et l'on baigne dans l'huile essentielle. Naguère encore, ils enfermaient cette huile dans des outres de peau et la portaient en ville. On la mettait alors dans des cruches oblongues de cuivre battu, à ongles et coins arrondis.
Les vétérinaires sont les premiers servis. Avant les médecins et les ménagères. Ils goûtent. Ils pèsent. Ils prennent un petit flacon et peuvent dire si l'huile est pure ou mélangée à de l'esprit de vin. Un peu comme pour faire cette eau de lavande, dite de Treinel, qui blanchit avec l'eau, et que les religieuses de la Magdeleine de Treinel étaient en possession de bien faire et de vendre.
Sur les chemises de linon blanc, l'huile essentielle s'évapore au soleil sans laisser tache ni transparence.
Dioscoride, encore, médecin romain au début de l'Ere, distillait en grand secret. Donc mourut avec. On attendit longtemps, jusqu'au jour où Avicenne, médecin philosophe iranien, se fit peindre : le regard inspiré et la barbe fleurie, des cornues à la main.
On dit alors :
Voici l'homme le plus remarquable d'Orient par l'étendue de ses connaissances.
On sort alors des bibliothèques la Philosophie illuminative, le Canon de la médecine... et l'on n'est pas très avancé.
Ainsi Demachy, le grand adversaire de Lavoisier et de ses théories. Demachy n'est pas très avancé. ses théories non plus qui sont révélées dans l'Art du distillateur des eaux fortes.
Je laisserai, par conséquent, car sa langue est plus belle, Pline le Jeune raconter comment en son temps l'on distillait.

15. Alors l'âne


Alors l'âne, l'abeille, le grand garenne et la perdrix qui sont ses animaux favoris doivent aussi le savoir. Cela ranime l'activité du cerveau et des nerfs.

Le grand garenne est beaucoup plus intelligent, du reste, qu'on ne le croit communément. Sous les quartiers de la lune, il se dresse et broute en les humant les lavandes, comme les abeilles sous le soleil.
La perdrix, elle, a de l'odorat. Elle trouve la lavande forte et pénétrante. La perdrix goûte aussi la lavande. Elle tire la langue et dit : La lavande est amarescente et chaude.
Elle bat ensuite son bec de la langue car tout cela est légèrement réfrigérant.
Comme la menthe poivrée, dit l'âne attaché à l'alambic.
L'âne est gourmand. Et les langues de perdrix sont savoureuses.
Il dit : Quand on mâche son herbe, le parfum de la lavande se développe en même temps que sa saveur.
Il ajoute : Je lui décerne, en outre, le titre d'aromate, car elle assaisonne les sauces de mon maître qui est industrieux.
L'âne aime que son maître soit industrieux, car il tire l'alambic.

14. Dioscoride, lui

Dioscoride, lui, faisait du thé de lavande, et des préparations vineuses et acéteuses.
Galien faisait entrer la lavande dans la composition de la Thiérarque et du Mithridat. Il préparait également un baume tranquille.
Andromacus, le médecin de Néron, en faisait des pastilles antivénéneuses.
Et puis Celsius, Dodonée, Alibert, Poiret, Charaz, l'utilisaient beaucoup aussi.
L'Abbesse Hildegarde recommandait la lavande pour la préparation du collyre qui fit sa réputation.
La lavande, au XVIème siècle, figure dans la Taxe de Francfort, soit : la nomenclature de tous les simples et composés pharmaceutiques vendus dans les deux foires de Francfort.
Saussure, l'inventeur de l'hygromètre à cheveu et premier observateur scientifique au sommet du Mont Blanc, fit aussi les premières études très poussées sur l'essence de lavande.
Paix à leurs cendres et que l'on brûle à leur mémoire des cassolettes de lavande.
Lavande. Je me lavande. Je me baigne de lavande. Je me lave. Et l'on ratiocine encore : Le fruit des lavandes est composé de quatre caryopses, inséré sur un gynobase.
Va savoir.
La lavande a des glandes et des poils.
Ce n'est pas un monopole.
Le port des lavandes est incomparable.
Sans doute. Et je puis encore ajouter : la lavande est aromatique, chaude, amère et stimulante.
Mais le principe aromatique prédomine sur le principe amer. Du reste, mon cher, votre ami, le baron Frédéric de Gingins-Lassaraz, membre de la Société helvétique des Sciences naturelles, a écrit à ce sujet : C'est-à-dire que l'huile essentielle qui contient l'esprit recteur s'y trouve en proportion plus grande que le principe gomo-résineux.
C'est évident.
Il ajoute : Ces deux principes salutairement combinés dans la lavande exercent sur l'économie animal une excitation vive et prompte, mais passagère.
Sur l'économie animale, dites-vous ?


13. Il poursuit

Il poursuit :
A l'extérieur, les lotions avec la décoction chaude de lavande sont souveraines contre les rhumatismes, la goutte, les enflures, les contusions, les ecchymoses, les épanchements sanguins, les luxations, les lésions de tendons.
Il explique : De la plante sèche, on fait des sachets que l'on applique sur les contusions et les engorgements atoniques.
Il conseille : Les bains chauds de lavande. Ils sont regardés comme particulièrement fortifiants pour les enfants et comme bienfaisants dans le rhumatisme, la goutte, la paralysie.
Il conseille encore : Les fumigations de lavande contre le catarrhe bronchique.
Il dit : Les fleurs de lavande macérées dans de l'eau de vie nettoient et mènent à la cicatrisation les vieux ulcères. Item, de l'essence de lavande antiseptique et cicatrisante. Item, de l'alcoolat de lavande qu'on emploie en lotion, en friction sur les ulcères atoniques, les douleurs rhumatismales, certaines maladies de la peau et du cuir chevelu.
Il recommande : Une pommade à l'essence de lavande dans le pansement des plaies, car elle les aseptise et les aide à se fermer.
Item, la teinture alcoolique. Diluée dans l'eau, prise en gargarisme elle lutte contre la paralysie de la langue.
Il conclut : Je la conseille enfin, après les maladies graves du poumon, la congestion pulmonaire et la pneumonie, en application d'essence sur la poitrine pour fortifier cet organe.

dimanche 24 février 2008

12. Libre

Libre. Je suis libre et semblable aux filles de sang noble que l'on n'expose point en vente dans les marchés des villes. Les libertins ne me cherchent point. Mais celui-là seul m'estime, qui, formant un destin inébranlable, se découvre la jambe et s'élance sur le coursier rapide, un brin de ma tige à sa tempe.
Je voudrais que tu fusses dans le désert du Nadjd, dont je suis originaire, lorsque la brise du matin erre auprès de moi dans les vallées. Mon odeur fraîche et aromatique parfume le bédouin solitaire, et mon exhalaison honnête réjouit l'odorat de ceux qui se reposent auprès de moi.
Aussi, lorsque le rude chamelier vient à décrire mes rares qualités aux gens de la caravane, ne peut-il s'empêcher de parler de moi avec attendrissement.
Derrière l'alambic vient le médecin.
Il a dans sa boîte à médecines plusieurs livres et fioles. Notamment Le Guidon des Apothicaires, et une fiole de térébenthine, une fiole de genièvre et une fiole d'aspic.
Il dit : La lavande est stomachique, antispasmodique, cholagogue, diurétique, sudorifique, carminative, stimulante, vermifuge.
Il ajoute : Voilà pourquoi on l'emploie contre le manque d'appétit, la flatulence, les coliques, l'hydropisie débutante, la jaunisse, les troubles du foie et de la rate, les nausées, les vertiges, la sang à la tête, les migraines et autres maux de crâne, la faiblesse générale, les congestions, les défaillances, l'épilepsie, la neurasthénie, les palpitations du nervosisme, le tremblement, l'asthme, la grippe, la coqueluche, le lymphatisme, la scrofulose, la laryngite, la leucorrhée, la faiblesse oculaire, les dyspepsies accompagnées de fermentations putrides et les phénomènes infectieux de troubles digestifs.


11. La lavande est céleste

La lavande est céleste. Elle est de la préparation de l'onguent sacré. Celui que l'on répand au moment des sacrifices pour l'ivresse des prières.
Propre à l'amour. Fumigations propitiatoires. Festins. Thérapeutique des médecins d'Alexandrie. La lavande apaise les douleurs.
Lavande du Christ aux épines, et du Christ Flagellé, et supplicié à mort. Lavande à l'amour chaste des époux. Oing, pour les corps lassés d'efforts et de veilles. Aspic en brin, pour les coussins : bourrés chez les malades. Très plats chez les autres.
Et vous Mardrus, vous serez sauvé, vous aussi, pour avoir traduit des Mille et une nuits, le poème de la lavande. Laissons-la dire ceci :
Oh, que je suis heureuse ! de n'être pas au nombre des fleurs qui ornent les parterres. Je ne risque pas de tomber entre les mains viles, et je suis à l'abri des discours frivoles.
Contre la coutume de mes soeurs les plantes, la nature me fait croître loin des ruisseaux, et je n'aime point les lieux cultivés et les terres civilisées.
Je suis sauvage. Loin de la société, mon séjour est dans les déserts et les solitudes, car je n'aime point me mêler à la foule. Comme personne ne me sème, ni ne me cultive, personne n'a à me reprocher les soins qu'il m'aurait donnés.
Libre. Je suis libre et les mains de l'esclave et de l'homme des villes ne m'ont jamais touchée.
Mais si tu viens dans le Nadjd d'Arabie, tu m'y trouveras. Là, loin des demeures des hommes pâles, les plaines spacieuses font mon bonheur.
Et la société des gazelles et des abeilles est mon unique plaisir. L'absinthe amère est ma soeur de solitude.
Je suis la bien-aimée des anachorètes et des contemplatifs. Et j'ai consolé Agar et guéri Ismaël.

10. C'est avec le nard


C'est avec le nard que se parfume l'épouse, dit le Cantique de Salomon.
Le nard est lavande et la lavande est mêlée aux actes essentiels de la vie domestique,de la vie religieuse, de la vie publique.
Son parfum est aphrodisiaque. Et les courtisanes de Rome l'avaient en grande estime. Et Mourre affirme : Il jouit encore aujourd'hui du même privilège auprès des femmes du Népaul.
Je n'ai pas fait cette expérience-là.
Le nard est le parfum par excellence, et toutes sortes de lavande le composent : les spica, les vera, les latifolia, les formosa, les coronopifolia, les carnosa, les augustifolia, les pedunculata, les vera de Candolle, que sais-je ? et les lavandes dentelées et les fleurs d'aspic.
Essence de nard. Huile d'aspic. Lavandes. Et le Mourrenieu et les Queirelet.
La lavande répand son charme, et ceux qui l'approchent ne peuvent rester insensibles. Pourtant, hier une femme m'a dit : Je n'aime pas la lavande.
Elle s'appelle Doris, et elle n'est pas la fille de l'Océan et de Téthys. Rassurez-vous. C'est une fille d'administration aux lèvres minces. Elle rit avec son nez, et rarement. Je voudrais effacer de mon souvenir une telle journée :
Doris, je vous chasse. Vous n'aimez pas la lavande que les Anglais cultivent. Et je vous compterai dorénavant au nombre des iules, des noctuelles, des écailles mouchetées qui portent une mandibule contre la lavande. Le ciron est meilleur. Et avec votre nez qui ne sent rien, vous avez plus de crochets, de barbilles, de pattes, d'anneaux et de maladies que je ne sais quel mille-pattes à cornes.
Tandis que vous, Christine de Pisan, vous serez sauvée. Car j'ai lu et relu les Dict de Poissy :
Du lieu où lavande croit
Et rosiers à grande foison.
Pour ce seul vers, Christine, je donnerai votre très curieux Livre des faits et bonnes moeurs du Roi Charles V, ainsi que le Livres des Trois Vertus.


mercredi 20 février 2008

9. La lavande est du nombre


La lavande est du nombre des plantes qui sont recherchées par les abeilles. Et dans les jardins rustiques, de toute antiquité, on mêlait au romarin des lavandes autour des ruchers.
Le miel d'Attique, vanté par Théophraste, le philosophe de Lesbos, devait sa réputation à l'abondance des parfums de lavande et de thym qui croissaient au mont Hymette.
Et Virgile a chanté l'odeur agréable du miel récolté sur la marjolaine, bien sûr, le serpolet, bon, le thym, évidemment. Mais sur la lavande d'abord.
Et la lavande répond aux préceptes de Varron. Enfin, non. C'est le contraire. Varron a observé...
Vous souriez ? Non, il ne s'agit pas du Consul romain, le collègue de Paul-Emile dont parlent Mallet et Isaac, celui, bref, qui livre et perd contre Annibal la Bataille de Cannes...
Il s'agit de Varron, simplement, le poète.
On eut la bonne idée de tout perdre de lui. Exception faite de trois livres d'économie rurale. Ainsi, je puis vous dire que Varron souhaite, parce qu'il était gourmand, que l'on entoure les ruchers des plantes qui fournissent aux mouches à miel une nourriture abondante, de l'équinoxe du printemps à celui d'automne.
Or la lavande fleurit tout l'été.
L'âne, donc, tire l'alambic..... Bon. Il chasse sous son pas le coq de bruyère. Plus lourd maintenant, car il porte sa charge de nard.
Le nard est le parfum par excellence. Et le nard est lavande.
Souvenez-vous. C'est avec le nard que dans la maison de Simon le lépreux, Madelaine, la pécheresse, oignit les pieds du Seigneur. Saint Jean précise : les pieds. Marc affirme : la tête. Le nard n'est pas en cause. Et le nard est lavande.

8. La Grèce d'aujourd'hui


La Grèce d'aujourd'hui, Madame, et la Palestine, et l'Asie mineure, et la banlieue de Carthage, ne sont plus ces pays frais de riants ombrages et de fertiles guérets, tant vantés par leurs poètes.
Chateaubriand l'a dit : Plusieurs fleuves, même, dont l'histoire a conservé les noms, sont effacés de ces terres classiques.
La civilisation des peuples nouveaux et des moeurs différentes modifient les climats et changent la végétation des pays.
Je pense à la chèvre à lait. Et au mouton. Ils ont tout digéré. Tout saccagé. Leurs petites dents plates ont tout coupé, tout broyé. Et ce qu'ils rejettent ne fleurit pas. On sait que, derrière soi, Attila tirait des troupeaux de chèvres et de moutons. C'était une herse monstrueuse qui hersait et ratissait. Et l'herbe ne repoussait pas.
Mais on sait, au Portugal, que si le mouton broute la lavande, sa chair devient incomparable. Linné, le fils, dit exactement : La chair des bêtes à laine qui, en Espagne, pâturent les collines où la lavande abonde, en contracte une saveur plus agréable.
L'âne tire l'alambic, et les abeilles en ruchers regardent. Elles vont aussi vers les tilleuls mais leur danse montre une préférence pour les lavandes. Et cela est sans doute de quelques poids dans la question qui nous occupe.
L'âne marche très bien et les Romains n'ignorent pas combien le miel participe des qualités utiles ou nuisibles des végétaux sur lesquels il a été recueilli.
L'âne... eh, qu'il marche ! Nous suivrons d'abord les abeilles.


mardi 19 février 2008

7. La lavande, elle


La lavande, elle, nettoie tout autour de son pied. A son ombre le chiendent ne vient pas. Ni le pissenlit. Elle jouit de la géométrie de ses soeurs qui filent droit dans les lavanderaies et les baiassières. Elle fait autour de soi une zone-carapace de vide. Sa voisine n'est pas mitoyenne.
Il est bon, dit-elle, de voir seule, parfois, midi devant sa porte. Et sous le soleil, rien n'est plus important.
La lavande chasse le chiendent, l'ivraie et le plantain. Toutes ces graminées et ces herbacées qui rendent allergiques les gens des villes. Elle chasse la vipère. Le mulot. Les herbes des prairies, des steppes, des savanes. Le bambou et la canne à sucre. Les chênes truffiers vont autour, juste au ras de l'horizon.
Et la lavande ne pousse à l'ombre de personne. Celle, ni de l'olivier, ni du cyprès. Rien. Elle toute seule. Avec ses quatre animaux favoris : l'âne, parce qu'il tire l'alambic. L'abeille. Le grand garenne. Et la perdrix. Allons... parfois, l'alouette-lulu.
Si vous aimez les lavandes, vous vous foutrez, comme moi, de Théophraste et de Dioscoride. Pline vous amusera. Et, avec votre Virgile sous le bras, vous irez dans les jardins rustiques regarder les lavandes, là où l'on place communément les ruchers.
Géorgiques et pastorales lavandes, naturalisées par Didon, sur chacun des rivages de la Méditerranée. Et Ulysse, donc. Qui, pour cacher sa nudité devant Nausicaa, préféra au thym et à la menthe un bouquet de lavande et devint superbe et propre.
Quoi ? Ce n'est pas vrai ?




6. Elle peut vivre en éprouvette


Elle peut vivre en éprouvette. En bocal. En tube. Enfermée dans un placard au CNRS. On l'a vue faire le tour du monde dans des fonds de poche.
Mais... diront d'autres. Et les latitudes ? Et les longitudes ?
Dans ces cas-là, il faut répondre :
Et la lune ? qui est la reine des lavandes. Parce que cela me fait plaisir.
Enfin, puisque vous me poussez, voici pour les latitudes, données avec leurs longitudes par celui qui devient notre ami, le baron Frédéric de Gingins-Lassaraz, membre de la Société Helvétique des Sciences naturelles :
Toutes les espèces de lavandes, écrit-il, sont circonscrites entre le 30ème ( Suez ) et le 46ème ( Valais ) de latitude septentrionale, et le 20ème occidental ( Madère ), et le 30ème oriental ( Suez ) de longitude ( Méridien de Paris ).
Baron Frédéric de Gingins-Lassaraz, je vous aime !
Mais, ce que l'on ne dit pas, c'est que les gens du Midi sont des subtils. Qu'ils ont gardé le secret des lavandes de Didon et des princes de sa maison. Et qu'au blé, à la betterave, aux choux, aux artichauts, au maïs, aux pommes de terre, ils préfèrent les fleurs et les lavandes.
Ils savent que le blé et les avoines font éternuer. Que les betteraves sentent mauvais. Que les pommes de terre sont pour les Belges. Que les choux montent et gèlent.
On vit encore, parfois, dans le Midi, comme vivaient les disciples de Jésus. Au plus fort du soleil, ils tirent de leur besace un poisson sec. Ils grignotent une poignée d'olives. Ils prennent une figue au dessert. Et après avoir bu à une source, font une longue sieste, la tête contre une lose. Ainsi, la nuit, ils peuvent marcher longtemps sous les étoiles.


5. Ainsi, je m'appelle


Ainsi, je m'appelle par mon nom qui dit bien ce que je suis. Et la lavande est faite pour cela. On se baigne pour elle. On se lave pour lui faire plaisir. On lui rend hommage à longueur de journée.
Car, l'eau avant elle était fraîche. Et le soleil doré, avant elle. Mais c'est elle qui nous a appris à nous servir de ces deux-là. Il y a aussi autre chose.
Des philosophes, des grammairiens, des médecins et quelques pédants ont encore dit :
La lavande pousse ( ou la lavande croît ) uniquement dans les terres arides. Dans les terres ingrates.
D'autres encore ont dit : Pas du tout.
Et ils ont expliqué n'importe quoi. Or ce n'est pas vrai.
La lavande aime aussi les terres riches et bonnes, comme les aiment les citrouilles et les pois. Mais les temps sont révolus où l'on ne vivait que de parfum. Le vrai est ceci : La lavande pousse ( ou croît ) partout où elle veut.
Elle est capable de tout. Puisque, en Angleterre, on la fume avec de la bière brune et des morceaux de plum-pudding. Du reste, en Diois et en Baronie, on affirme que ce sont les protestants, chassés par la Révocation de l'Edit de Nantes, qui ont introduit sa culture en Angleterre, par perversité.
Elle est capable de tout. Puisque, au Gabon, on lui donne des os de missionnaires en farine. Puisque, au Yémen, elle se contente de poils de chameaux.
Des voyageurs l'ont rencontrée en Suède, et en Livonie. Aux Indes...


4. Voici donc la page trente-deux


TABLEAU CHRONOLOGIQUE DE LA DECOUVERTE DES ESPECES DE LAVANDES.

Avant l'an 50. Dioscoride : Lavande Stoechas
Avant l'an 76. Pline : Lavande

1541. Fuchs : Lavande véritable et Spic
1565. L'Ecluse : Lavandes dentées et multifide
1576. Lobel : Lavande pédonculée
1651. J. Bauhin : Lavande verte
1696. Plukenet : Lavande à feuilles d'aurone
1780. Linné Fils : Lavande pinée
1815. De Can. : Lavande des Pyrénées
1817. Poiret : Lavande à feuilles de coronope