dimanche 24 février 2008

11. La lavande est céleste

La lavande est céleste. Elle est de la préparation de l'onguent sacré. Celui que l'on répand au moment des sacrifices pour l'ivresse des prières.
Propre à l'amour. Fumigations propitiatoires. Festins. Thérapeutique des médecins d'Alexandrie. La lavande apaise les douleurs.
Lavande du Christ aux épines, et du Christ Flagellé, et supplicié à mort. Lavande à l'amour chaste des époux. Oing, pour les corps lassés d'efforts et de veilles. Aspic en brin, pour les coussins : bourrés chez les malades. Très plats chez les autres.
Et vous Mardrus, vous serez sauvé, vous aussi, pour avoir traduit des Mille et une nuits, le poème de la lavande. Laissons-la dire ceci :
Oh, que je suis heureuse ! de n'être pas au nombre des fleurs qui ornent les parterres. Je ne risque pas de tomber entre les mains viles, et je suis à l'abri des discours frivoles.
Contre la coutume de mes soeurs les plantes, la nature me fait croître loin des ruisseaux, et je n'aime point les lieux cultivés et les terres civilisées.
Je suis sauvage. Loin de la société, mon séjour est dans les déserts et les solitudes, car je n'aime point me mêler à la foule. Comme personne ne me sème, ni ne me cultive, personne n'a à me reprocher les soins qu'il m'aurait donnés.
Libre. Je suis libre et les mains de l'esclave et de l'homme des villes ne m'ont jamais touchée.
Mais si tu viens dans le Nadjd d'Arabie, tu m'y trouveras. Là, loin des demeures des hommes pâles, les plaines spacieuses font mon bonheur.
Et la société des gazelles et des abeilles est mon unique plaisir. L'absinthe amère est ma soeur de solitude.
Je suis la bien-aimée des anachorètes et des contemplatifs. Et j'ai consolé Agar et guéri Ismaël.